Le 10 juillet 1915, le Parlement vote à l’unanimité une « Loi sur le salaire minimum des ouvrières à domicile dans l’industrie du vêtement ». Pour la première fois, l’État intervient dans la fixation des salaires et prépare les futures conventions collectives. La loi s’adresse à des ouvrières mal payées et qui travaillent dans de mauvaises conditions. Les nombreuses tentatives pour améliorer leur sort échouent. C’est devenu un problème social qui intéresse de nombreux groupes politiques, syndicats, intellectuels, religieux, entre 1880 et 1914. Le travail des femmes à domicile a été peu étudié depuis d’un siècle. Pourquoi une loi spécifique ? En effet, les femmes sont au coeur de ce livre et de la loi de 1915. De la proto-industrie au sweating-system et au travail en atelier, où situer le travail à domicile ? Il perdure malgré le développement de la grande industrie. Que font ces ouvrières, où sont-elles, combien sont-elles ? Pourquoi leur vie est-elle si sombre et comment travaillent-elles ? Cette loi de 1915 demeure assez timide. Elle instaure des comités de salaires et d’expertise qui fixent les salaires à la pièce, non au temps, et a bien du mal à se mettre en place. Les patrons ne sont guère enthousiastes, les ouvrières n’osent pas se plaindre de sa mauvaise application.
Ce livre présente donc une loi dans son déroulement complet : causes et préparation, contenu et application pendant les 25 ans qui suivent son vote. Elle concerne une catégorie de travailleuses jusqu’ici oubliées du droit du travail. A-t-elle été efficace pour augmenter les salaires de ces femmes ? Aujourd’hui encore, les quelques milliers d’ouvrières à domicile ne sont-elles pas toujours « celles qu’on oublie » ?
Diplômée d’ethnologie et bi-admissible à l’agrégation d’histoire, Colette Avrane a enseigné dans un collège de St Gratien et au lycée de Domont (Val d’Oise). Elle est docteure en histoire et membre du comité d’administration de l’association Archives du féminisme.
{Ouvrières à domicile : le combat pour un salaire minimum sous la Troisième République} est publié aux Presses Universitaires de Rennes.
Michelle Perrot est auteure de la préface et a elle-même récemment publié {Mélancolie ouvrière} chez Grasset, premier ouvrage d’une nouvelle collection “Nos héroïnes”.
« Je suis entrée comme apprentie chez MM. Durand frères. J’avais alors douze ans. » Ainsi commence le témoignage de Lucie Baud (1870-1913), ouvrière en soie du Dauphiné, femme rebelle et oubliée, en dépit de grèves mémorables. Une ouvrière méconnue peut-elle être une héroïne ? Au début du siècle dernier, dans une ville de l’Isère, Lucie Baud incarne un féminisme naissant. Ouvrière en soie, la jeune femme crée, au sein de son usine, la première cellule syndicale. En 1908, elle rédige pour la revue {Le mouvement socialiste} un texte qui met en avant les luttes auxquelles elle participe.
Michelle Perrot s’efforce de comprendre son itinéraire en renouant les fils d’une histoire pleine de bruits et d’ombres, énigmatique et mélancolique. Mélancolie d’un mouvement ouvrier qui échoue, d’une femme acculée au départ et peut-être au suicide, de l’historienne enfin, confrontée à l’opacité des sources et à l’incertitude des interprétations.