Rencontre animée par Dominique Bourque.Une exposition de photos de Marie-Paul Andreo, qui a participé au livre de Claire Michard, sera visible pendant la rencontre (voir notre page “Exposition”).
La féminisation du français a pris non seulement une nouvelle expansion lexicale (« autrice », « professeuse », « médecine ») et grammaticale (accord de proximité), elle a pris une nouvelle forme. Cette forme, appelée « écriture inclusive », utilise la typographie (le point médian entre les termes de genre masculin et féminin) et des néologismes (« iel », « cell·eux », « tous·tes ») pour donner une plus grande visibilité aux femmes et aux autres groupes minoritaires dans la langue, et ainsi rendre cette dernière plus paritaire. Bien que ces propositions suscitent des débats, elles se généralisent dans la francophonie. On les trouve sur l’Internet, mais également dans des manuels scolaires et de nouvelles grammaires.
Pour Claire Michard, sociolinguiste, ces propositions sont loin de résoudre les problèmes que pose le sexisme dans la langue :
Le rapport entre la structure sociale de sexe et la langue est beaucoup plus complexe qu’un reflet. […] les marques du sexisme sont beaucoup plus nombreuses que celles du genre grammatical, mais elles sont souvent moins perceptibles que l’absence de termes de profession de genre féminin.
L’examen rigoureux des formes linguistiques décrivant les activités des femmes et des hommes (construction discursive de l’agentivité) dans des textes scientifiques, ainsi que celles qu’entrainent ces notions, ont alerté Michard sur des problèmes qui ne sont pas abordés dans les défenses de la féminisation ou de l’écriture inclusive comme la sexuation sémantique des seules femmes :
« fille » (enfant femelle et humain femelle de…) n’est pas différencié par rapport à « garçon » (enfant mâle) et « fils » (humain mâle de…). De même, « femme » (humain femelle et épouse) n’est pas différencié par rapport à « homme » (humain mâle) et « mari » (époux).
Une connaissance approfondie du fonctionnement à la fois de la langue et de l’hétérosexisme social, ainsi que leur mise en relation, est la meilleure garantie que l’on puisse avoir de ne pas reconduire les formes d’oppression qui imprègnent nos sociétés. Cette anthologie se veut une contribution à cette triple approche.
Claire Michard s’appuie sur les théories matérialistes des rapports sociaux de sexe qui lient structure sociale et effet idéologique pour appréhender la production sociale du sens. Sa thèse : Il y a dissymétrie des constructions discursives des objets de discours femme et homme. « La notion d’homme serait pleinement déterminée en tant qu’humain […], tandis que celle de femme ne le serait pas ; les constructions discursives la placent du côté de l’animalité et des objets inanimés […]. »
Claire Michard a aussi publié {Sexe en linguistique – sémantique ou zoologie} (L’Harmattan, coll. Bibliothèque du féminisme), {Sexisme et sciences humaines. Pratiques linguistiques du rapport de sexage} (PU Septentrion) et a dirigé avec Natacha Chetcuti {Lesbianisme et féminisme. Histoires politiques} (L’Harmattan,coll. Bibliothèque du féminisme)