“Arachnée tisse, entrecroise les fils de chaîne et de trame. Araignée au centre de sa toile, aérienne, fragile, évocation de la beauté de la création. Est-elle l’artisan du monde ou celui du voile des illusions cachant la réalité suprême? Tisserande de la réalité, elle est maîtresse du destin. Tissu, fil, métier à tisser, fuseau, quenouille, symboles du cours de la vie que les trois Parques tiennent entre leurs mains, présidant à la naissance et à la mort. Le métier à tisser représente la structure et le mouvement de l’univers. Entre l’ensouple du ciel et celle de la terre, le tissage est un travail de création, un enfantement.
Fils de chaîne et fils de trame s’entrecroisent, questions et réponses d’un dialogue constructif. Quand le métier s’active, la parole circule, parole créatrice. Tout se passe entre les limites des deux lisières, entre les limites du cadre du tableau.
Monde sédentarisé de la terre striée par les champs, carrés de culture, carrés de peinture. Il s’oppose au monde sans limites des nomades. Univers lisse où naquit le feutre, cet anti-tissu, simple enchevêtrement de fibres.
Entrelacs des ornements qui courent sans début, ni fin, sur les bijoux, les peaux, les étoffes. Peintures pariétales qui ne connaissent pas le carcan du cadre délimitateur du tableau.
Mère tissant pour ses enfants vêtements et destinées, façonnant leur devenir, fil d’Ariane qui les guidera dans leur errance.
Percée du monde lisse de l’imaginaire et du rêve, hors des murs et des frontières, échappée vers un ailleurs qui va déformer le tissage, le tordre et le nouer.”
Florence Metgé
« Cet amour intensément corporel qu’une mère passionnnelle colle tout autour du corps de l’enfant comme une seconde peau, étriquante, étouffante, asphyxiante, qui l’empêche de développer un corps indépendant et d’avoir sa vie propre. Déjanire, la dernière femme d’Héraklès, jalouse de l’amour porté par son mari à une captive (…), envoie à Héraklès une tunique empoisonnée par le sang d’un centaure qu’il a tué et que Déjanire croit être un filtre de fidélité conjugale : Héraklès s’en revêt et est consumé de brûlures. Ainsi un amour maternel exclusif est-il un stimulant permanent à réaliser de grandes choses et une tunique brûlante comme les flammes dévorantes de cet amour. A lutter contre elle le héros épuise ses forces. »
Anzieu, « Le corps de l’œuvre »
(exposition du 24 mai au 19 juin)